lundi 26 novembre 2018

Franges d’Young : l’ubiquité étrange d’un photon solitaire



Ayant acquis un pointeur laser vert banal (JD-851 : λ=532 nm, 5mW) je me suis demandé s’il était facile de mettre en évidence des franges de Young avec. A partir d’un montage rudimentaire bois mécano, j’ai éclairé deux trous d’aiguille (Φ =0,4 mm) percés dans un bout d'aluminium et écartés d’environ e=0,9 mm et j’ai effectivement observé des franges d’interférence sur un écran placé à une distance D=5 mètres des trous.
Comme on peut le voir sur ma photo, ces franges ne sont pas très rectilignes faute à la qualité médiocre de la source (achetée quelques euros chez les chinois) et à l’irrégularité des trous qui ne sont pas parfaitement circulaires. Le calcul approximatif de l’interfrange donne
 Ir = D λ/e = 5*532.10-9/10-3
soit 0,0027m soit encore environ trois millimètres, valeur qui correspond bien à ce que j’ai observé. Ceci est conforme aux lois de l’optique ondulatoire connues depuis plus de deux siècles (l’expérience originelle de Young remonte tout de même à 1801).
En fait, s'il est facile d'obtenir des interférences lumineuses avec ce stylo laser, il est difficile d'en avoir de jolies, bien contrastées, hyperboliques pour des trous circulaires, rectilignes pour des fentes : le montage doit être très soigné. Il est également difficile de les photographier en raison du contraste lumineux élevé : la zone centrale est fatalement surexposée. Passer en mode HDR (High Dynamic range) permet de fixer le problème.


Pinhole Φ=40/100 mm,  e=0,89mm. support aluminium
Ce qui est plus amusant mais beaucoup plus difficile à réaliser, c’est d’envoyer la lumière photon par photon. Jusqu’à il y a peu, cette expérience était impossible à réaliser par un amateur même talentueux. L’arrivée sur le marché de caméras CCD ultrasensibles, c’est à dire assez sensibles pour qu’un photon unique puisse provoquer l’éjection d’un électron sur atome de silicium et puisse ainsi être enregistré sur l’image. Si cette caméra est associée à un logiciel d’acquisition, la construction de la figure d’interférence va pouvoir être observée pas par pas. Tout se passe comme si chaque photon passait en même temps par les deux trous pour interférer avec lui-même (Dirac). J’imagine bien la chose, mais ma connaissance rudimentaire de la mécanique quantique me rend la chose un peu magique. Aucune intuition ne permet de contourner ou d’illustrer ce fait : les particules élémentaires ne se comportent pas du tout comme des objets ordinaires. Une des difficultés de l’expérience (outre celle d’installer proprement l’ensemble enregistrement caméra-logiciel) est de fabriquer une source laser de très basse intensité, suffisamment calfeutrée pour obtenir zéro lumière parasite. Zéro lumière parasite, c’est à dire zéro photon parasite. Il y aura sans doute des photons infra rouge, mais ceux-là ne seront pas assez énergétiques pour fausser l’expérience.

Sur la discussion des expériences à photon unique, voir cette très belle thèse de Vincent Jacques ‘Source de photons uniques et interférences à un seul photon. De l’expérience des fentes d’Young au choix retardé’, thèse ENS cachan 2007.  https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00281163/document pdf 189 pages. Rassurez vous, je n’en ai compris qu’une toute petite partie, j’ai sauté presque toutes les équations pour me focaliser sur les conclusions partielles. Depuis sa thèse, l’auteur a produit une quantité impressionnante de travaux scientifiques (Ref. Google Scholar). Jeune chercheur brillant, bonne référence en la matière.

Rappel : un détecteur CCD (Charge Coupled Device ou Dispositif à Transfert de Charges en français) est fondamentalement constitué d'une surface photosensible plane que l'on positionne au foyer d'un imageur optique, en lieu et place, par exemple, d'une pellicule photographique. Le matériel de base de la surface photosensible est le silicium, qui est dopé de manière à acquérir des propriétés photoélectriques, c'est-à-dire qu'un photon incident est susceptible d'y produire une charge électrique.

Exemple : Caméra Lihmsek dotée d'un capteur CCTV Sony ultra-sensible (minimum 0.00001 Lux) Jour et Nuit, Image couleur, lentille 3.7mm Sténopé (?). Résolution : 700 TVL (env. 580 pixels vert.). Capteur CMOS. Modèle LM-LM1. Compression vidéo : H264. Interface : rj45. Image : 1/3’’ Sony Super HAD II CCD. Sortie : 1.0V p-p. 75 Ohms CVBS (vidéo composite). Correction de gamma : 0,45. Prix : env. 44€ (livré) chez Aliexpress. Le point à vérifier est la sensibilité : le photon unique doit pouvoir y laisser sa trace. Bien noter : la caméra est chinoise mais le capteur est SONY.

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