mardi 6 août 2019

Note de lecture : Histoire d'un allemand

Histoire d’un allemand. Souvenirs (1914-1933) de Sébastian Haffner.

La peste nazie vue au raz du sol.
J’ai lu ce livre il y a au moins dix ans. Il ne m’avait pas fait alors grand effet comme a pu le faire cette relecture. L’auteur qui avait 7 ans en 1914 y raconte simplement ce qu’il a vécu jusqu’en 1933. En fait, la petite musique nazie à peine audible en 1923 va se poursuivre piano, elle ne pourra plus être ignorée en 1930, mais il faudra presque attendre 1933 pour qu’elle se déchaîne forte comme un orchestre tonitruant et grinçant. Dans la période précédente, les politiciens de gauche comme de droite se succèdent au pouvoir. Ils se ressemblent tous sous l’angle de l’incompétence et de lâcheté. Ils auraient préparé consciemment le pouvoir du parti nazi qu’ils ne s’y seraient pris autrement. En fait, certains comme Brüning étaient déjà gagnés à cette idéologie funeste. Le moins mauvais, Rathenau, fut assassiné (1922). Le pire fut Hindenburg qui remis le pouvoir à Hitler sur un plateau (30 janvier 1933) bien que ce dernier n’eût pas la majorité absolue des voix. Les moyens techniques aux mains des nazis ne furent pas nombreux : écoutes téléphonique des opposants, suppression des partis d’opposition, infiltration de l’administration, modifications rapide  et profondes de la loi. Leur outil d’action principal fut donc l’outil humain : les SA, police parallèle brutale qui se chargea sans état d’âme et en toute impunité de tous les crimes du pouvoir avant la mise en place de la GESTAPO.

La partie intéressante de l’ouvrage concerne ceci : comment un jeune homme de bonne famille, politiquement de centre droit, au départ foncièrement anti-nazi, cultivé, moralement sain, promis à de brillantes études de droit, va-t-il se retrouver un jour à hurler ‘Heil Hitler !’ avec un brassard à croix gammée ? En fait, le poison fut instillé progressivement grâce à la terreur organisée par les SA en conjonction avec le laxisme des autorités. Ceci donna de l’autorité à un « führer » que les bourgeois considéraient au départ comme un clown. Mais les choses changèrent à partir du 30 janvier 1933. L’incendie du Reichtag permit l’élimination légitime des communistes. En quelques mois la presse bascula, l’administration bascula, la loi bascula, les camps de concentration ouvrirent pour les militants et sympathisants de gauche, les mauvais esprits et les juifs, et les braves gens comme Haffner, pris de cours, ne purent plus regarder les choses de loin avec un sourire supérieur, garder les mains propres, faire semblant de ne rien voir ou éviter tout contact avec les nazis. L’indifférence calculée, le retrait prudent, l’humour ravageur devenaient d’un coup  interdits. Il fallait approuver avec enthousiasme toutes les manifestations du nouveau pouvoir et notamment saluer le drapeau des multiples défilés de rue sous peine de passage à tabac par les SA et faire attention à ses paroles en toute circonstance. Avoir des amis juifs -ou une petite amie juive- devint difficile. Les groupes d’anciens amis se délitèrent presque du jour au lendemain par peur de délation. Le vieux monde disparu brusquement avant qu’il soit possible de bâtir des stratégies de repli. C’est ainsi que les futurs magistrats durent subir un stage de rééducation avant de passer l’examen. L’auteur y bu le calice jusqu’à la lie dans une ambiance de franche camaraderie avant de pouvoir s’exiler car il devint clair que l’alternative fut désormais : partir ou devenir nazi. 

Ce texte de 435 pages est très bien écrit. Il peint dans le détail ce qu’est un régime totalitaire. Mais ne nous y trompons pas, la nature totalitaire ne dépend pas du type d’idéologie portée par celui-ci. Nos idéologies « modernes » peuvent tout aussi bien faire l’affaire et leurs moyens technologiques sont autre chose que ceux mis en œuvre ici : il n’y aura pas besoin de SA pour terroriser les gens. A lire absolument. 

Rédigé pour Amazon


D'autres miscellanées

Le Monde Diplomatique sur BHL : https://www.monde-diplomatique.fr/dossier/BHL

En partant d'un article de Ron Unz sur le site du Saker, on tombe sur un livre relatant les effroyables crimes racistes du Zèbre (Zebra, The true account of the 179 days of terror in San Francisco de Clark Howard). Pdf de 400 pages en anglais, puis sur le site Political Corectness Watch. Intéressant de constater que tout ce discours ambiant "contre la haine" n'est pas du tout une invention française mais est directement importé des États-Unis. Ça devrait en interpeller quelques uns.







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