Excès d’optimisme dans une époque optimiste

Alvin Toffner, essayiste brillant des années 70 a essayé d'anticiper l'évolution de la société américaine de son époque avec un ouvrage conséquent : le choc du futur (Future Shock, 1970).
Il a parfaitement compris que cette société était caractérisée par 3 facteurs principaux : précarité, nouveauté, diversité. Il a également compris que ces traits s'amplifiant avec le temps pouvaient présenter un caractère pathogène, voir même létal pour une partie mal préparée de la population. Jusque là, l'auteur a parfaitement vu de quoi il en retournait.

Ensuite, il n'a pas saisi que ces caractères étaient intrinsèquement liés à la société capitaliste tant côté production que consommation : course au profit, marchandisation de tous les aspects de la vie humaine comme Marx l'avait lucidement prévu dès 1848. A partir de là, tout ce qu'il anticipait pour amortir ce choc, dompter la société technicienne sous-jacente ne pouvait marcher. Rien de ce qu'il préconisait en 1970 n'a été sérieusement mis en œuvre. 50 ans après, le capitalisme s'est financiarisé en endettant le monde, il s'est virtualisé en déléguant la production des biens de consommation aux chinois et en se diversifiant sous forme d'une société de "services" plus ou moins utiles en occident. Pire, l'endettement a éjecté une partie des classes moyennes dans la pauvreté et le système financier ne peut plus fonctionner qu'avec des rendements nuls ou négatifs ; la hausse des taux tuerait la bête. Et je ne parle pas du réchauffement climatique. Ce système est presque mort. Toffler s'est trompé !

Le choc du futur (Future Shock) d’Alvin Toffler. 1970. Bantam Books. 562 pp.

Note de lecture
Le travail du futurologue est toujours risqué. La confrontation entre le futur prédit et le présent accompli peut être dévastatrice. Pour autant, cet ouvrage d’Alvin Toffler demeure encore lisible 50 ans après sa publication.
L’auteur le rédige à l’apogée de la civilisation américaine. Le rêve américain brille alors comme un soleil. La saga lunaire a fait oublier les horreurs du Vietnam, le dollar est encore accroché à l’or et les trente glorieuses en ont pour trois ans à vivre. La Chine est un grand pays sous-développé ravagé par la révolution culturelle, l’URSS est rongée par le cancer bureaucratique.
Toffler caractérise la société d’alors par trois facteurs : précarité (non pérennité), nouveauté, diversité. Les premiers chapitres du livre (3/5) dépeignent le rôle de ces facteurs dans tous les domaines : la famille, le milieu professionnel, la mobilité géographique, la production de biens consommables, l’éducation, les relations humaines, les structures, les modes de vie, la guerre, etc. Même les religions sont bousculées. Rien n’échappe à ce mouvement turbulent. Pour l’auteur, c’est signe d’une société libre et évoluée qui s’oppose à la société archaïque paternaliste cyclique et rigide. C’est un bien absolu.  

Toffler est cependant lucide qu’une mutation générant un volume important de stimuli chez les individus peut être pathogène. Jugements et décisions ne doivent subir aucun délais. Les problèmes environnementaux sont effleurés pour être oubliés. C’est ce qu’il appelle le choc du futur. Cette partie de l’ouvrage n’est pas particulièrement futuriste : l’auteur anticipe simplement que les choses vont continuer ainsi en s’accélérant. Il préconise ou prévoit que pour se maintenir, la société devra mettre en place d’une part des lieux protégés de ce changement (comme le territoire des Amish), sortes de chambres de décompression, et d’autre part des structures éducatives préparant intensément la population à un futur qui devra être systématiquement magnifié par rapport au passé. Trente ans plus tard Internet ne bousculera pas trop ce schéma.

On atteint ici les limites de la perspicacité et de la lucidité de l’auteur. Il ne nous a pas expliqué d’où venait le caractère précaire, novateur et diversifié de la société américaine, le mot ‘capitalisme’ est d’ailleurs presque absent dans son vocabulaire. Ses préconisations permettant d’adoucir le choc de ce futur n’ont jamais été mises en place. Le système évolue par sa dynamique propre quoi qu'on fasse : seule une catastrophe pourra l'arrêter.
Depuis 1973, la dette -privée et publique- gonfle partout comme un cancer, les inégalités croissantes paupérisent une partie des classes moyennes alors que la Chine fait sortir des centaines de millions de gens de la pauvreté selon un schéma différent, enfin et surtout, à moyen terme, les enjeux climatiques laissent prévoir un arrêt définitif à tout développement exponentiel de la production de biens matériels. La croissance mondiale réelle ralentit de façon drastique. Le système bancaire est sous perfusion.  ‘Game Over’ ! Toffler qui n’a pas anticipé cette inflexion bien marquée a péché par un excès d’optimisme exprimé dans une époque optimiste. En outre, sa vision du temps est incomplète : ainsi, par exemple, la lecture de son livre demandera toujours entre 14 et 18 heures (1,5 à 2 min par page). La pertinence de son modèle touche à sa fin sans qu’on voit encore ce qui pourra le remplacer.

**** rédigé pour Amazon.

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D'autres miscellanées

De John McCain à Jeff Epstein et au Pizzagate. Petit survol du marais nauséabond mettant en jeu des maîtres chanteurs, les MSM et les GAFA. https://lesakerfrancophone.fr/la-pravda-americaine-john-mccain-jeffrey-epstein-et-le-pizzagate (Ron Unz). 

Les essaims de drones américains peuvent-ils battre les systèmes anti-missiles russes ? https://www.zerohedge.com/news/2019-08-27/can-american-drone-swarms-beat-russias-anti-missile-systems

Après le retrait américain du traité INF : Dessous le "parapluie" nucléaire américain en Europe :  https://www.zerohedge.com/news/2019-08-27/under-shield-us-nuclear-weapons-europe Système purement défensif ? Allons, soyons sérieux ! Voyez le document 'Navy Aegis Ballistic Missile Defense (BMD) Program: Background and Issues for Congress. Updated July 24, 2019' https://fas.org/sgp/crs/weapons/RL33745.pdf (pdf, 28 pages).

Taux zéro et taux négatifs. ZIRP, NIRP & autres mécanisme absurdes. https://www.zerohedge.com/news/2019-08-28/zirp-nirp-mechanics-absurdity L' intérêt (très théorique) de ces produits qu'il faut être fou pour acheter est de trouver un acheteur encore plus fou à qui les revendre avec profit (Greater Fool Theory). Rappels : yield = rendement, bond=obligation, lender=prêteur, borrower=emprunteur, etc. le reste va de soi.

Un peu de racisme  anti-blanc pour ceux qui ne veulent pas reconnaître que ça existe : https://www.valeursactuelles.com/societe/racisme-anti-blanc-24-heures-sur-twitter-ou-la-haine-contre-les-babtous-sexprime-en-toute-impunite-110197