The Anthropic Cosmological Principle de John D. Barrow & Frank J. Tipler
Note de lecture.
Ce gros livre de 706 pages est passionnant mais difficile. Il me semble peu possible de le lire sérieusement en moins de deux mois. Sur les dix chapitres de l’ouvrage les trois premiers portent sur les fondements philosophiques du concept de principe anthropique. C’est la partie la moins originale et la plus facile de l’ouvrage. Les choses se corsent à partir du chapitre 4. Le lecteur n’échappera pas à un texte truffé d’équations de physique théorique (fig.). Une bonne culture scientifique généraliste lui permettra de comprendre de quoi il s’agit, mais il me semble difficile d’en saisir le détail et le cheminement sans être un familier de la spécialité. Ça n’est pas vraiment de la vulgarisation !
Au départ, les auteurs définissent trois types de principes. D’abord le principe anthropique faible (WAP) qui est compatible avec la science contemporaine (la notion d’observateur en mécanique quantique par exemple). Ce principe essaye de préciser le fait que toute observation cosmologique menée par les astronomes est biaisée par l’effet sélectif global de leur propre existence. C’est une application du théorème de Bayles (en statistique). Les notions de principe anthropique fort (SAP) et du principe anthropique final (FAP) sont d’un usage plus restreint et plus spéculatif que le WAP.
Les trois premiers chapitres examinent les notions de téléologie, de dessein intelligent et de causes finales dans l’histoire des religions et de la philosophie, en occident comme en orient. Quelques noms ressortent de cette fresque : ceux de William Paley, de Charles Darwin et de Teilhard de Chardin. Les idées de ces penseurs vont se retrouver dans les découvertes récentes des scientifiques de façon bien plus précise. Les choses sérieuses commencent au chapitre 4 (p. 219).
... pas vraiment de la vulgarisation
Les valeurs des différentes grandeurs ou propriétés des objets concernées comme l’âge de l’univers, le temps de transit de la lumière au travers d’un atome, le rapport des forces électriques et gravitationnelles entre électron et proton, etc. sont tellement ahurissantes que les coïncidences ne peuvent que susciter des questions. Les auteurs expliquent pourquoi la chimie du carbone, donc la vie ne peut exister que dans un monde de dimension inférieure à 4, et que ce monde est nécessairement d’age avancé, donc de très grande dimension. Plus précisément, on démontre qu’il existe un petit nombre de paramètres physiques fondamentaux dont la valeur doit nécessairement appartenir à un mince intervalle pour que nous puissions exister… donc nous n’existons pas par hasard dans ce monde-ci.
Les hypothèses d’un vivant basé sur le silicium (au lieu de carbone), de l’ammoniac au lieu de l’eau sont soulevées. Celles d’univers fermés, ouverts ou plats, les univers parallèles, cycliques sont étudiées de façon détaillée. Les questions portant sur ce qui se passe au niveau des singularités (Big Bang dans le passé, Big Crunch dans le futur pour un univers fermé) sont réellement difficiles à comprendre puisque c’est à cet instant que les constituants les plus élémentaires de la matière sont créés ou disparaissent. Il est souhaitable de connaître au préalable un certain nombre de concepts de physique théorique même si on n’entre pas dans le détail des équations : par exemple, comprendre comment fonctionne un diagramme de Penrose, la définition d’un baryon ou d’un lepton, le formalisme relativiste, une fonction d’onde et le principe d’incertitude, les propriétés d’une hypersphère, etc.
Les développements sur l’existence de la vie intelligente dans l’univers sont particulièrement passionnants. Les auteurs démontrent que nous ne pouvons être que les seuls êtres intelligents de l’univers et que nous serons amenés à coloniser entièrement ce dernier. Ce programme est conçu dans une optique totalement transhumaniste. ‘Nous’ les humains serons un jour remplacés par des robots immortels héritant de tout notre savoir et aptes à se propulser de monde habitable en mondes habitables (concept de sonde de Von Neuman capable de se reproduire et de se multiplier) jusqu’à tout envahir. Cette conception de l’être humain est bien sûr totalement réductionniste (l’âme n’est pas immatérielle et immortelle mais elle ressemble plutôt à un programme informatique). Cette colonisation prendra des dizaines de milliards d’années, mais les auteurs démontrent que ce processus est concevable et logiquement crédible. Le grand voyage n’a donc pas encore commencé.
Ce travail est propre, cohérent. Seuls les spécialistes peuvent dire si tout tient la route. Chaque chapitre est accompagné de notes étoffées en référence à une bibliographie spécialisée consistante. Ce texte date de 1986, il a donc 34 ans. Il est possible que des avancées scientifiques récentes en contredisent certains points. Il me semble probable (pour ne pas dire évident) que l’état de la science dans 100, 1000 ans ou plus rendra rendra cette vision et ses conclusions totalement caduques mais ça n’enlève aucun intérêt à l’ouvrage. C’est une bonne base de réflexion et de discussion sur une foule de sujets dénués d’évidence a priori. Une critique : je regrette que les auteurs travaillent encore avec le système d'unités CGS et non le système MKSA.
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