jeudi 2 janvier 2020

Fides et ratio. Commentaire de lecture


Le travail critique de Richard Dawkins contre les religions dont j’ai parlé il y a quelque temps [Pour en finir avec Dieu, 2006] s’appuie essentiellement sur le rationalisme scientifique.
Spécialiste de l’évolution, Dawkins utilise une science de synthèse axée sur la biologie, laquelle comporte des composantes ‘dures’ comme la biophysique et la biochimie. L’idée centrale de son travail consiste à justifier l’existence et la nature des religions par des arguments scientifiques évolutionnistes et d’autre part montrer les contradictions existant entre foi et raison. Ceci dit, ce raisonnement touchera essentiellement les lecteurs aguerris à la culture scientifique et non les croyants lambda.

Face à l’athéisme, l’Église s’est toujours efforcée de justifier sa vision d’une complémentarité entre foi et raison. C’est notamment le sujet de la lettre encyclique ‘Fides et ratio’ (Foi et raison) du pape Jean-Paul II en 1998. Ce texte est brièvement commenté ci-dessous. On a tenté de mettre en évidence son argumentaire au profit d’une éventuelle contribution à la confrontation entre Sciences et Religion. Les sciences auxquelles je me réfère sont les sciences dites ‘exactes’ validant le principe de falsifiabilité au sens de Karl Popper. Ces sciences sont des constructions récentes ouvertes par principe à la discussion collective. Les parties acquises sont perfectibles (par définition) mais leurs résultats pratiques intermédiaires ne sont pas discutables. Il n’existe pas de théories concurrentes contradictoires en la matière sinon ce ne seraient pas des sciences exactes. L’envergure de leur sujet est limitée avec un très faible recouvrement du champ religieux mais des contradictions absolues apparaissent sur un petit nombre de points importants aux frontières des champs disciplinaires et ce sont justement ceux-ci qui nous intéressent ici.

Commentaire de lecture :
Foi et raison se présente comme un opuscule de plus de 100 pages (157 dans l’édition TEQUI), découpé en 7 chapitres et 108 courts paragraphes. Ce commentaire se référera donc commodément au numéro de paragraphes. Si l’expression ‘recherche scientifique’ apparaît deux ou trois fois dans l’ouvrage, l’interlocuteur principal convoqué ici est la philosophie, ou les philosophies. Les principes de non-contradiction, de finalité et de causalité sont reconnus (4) mais l’application n’en sera peut-être pas simple. Raisonner sur la nature permet-il actuellement de remonter au créateur ? (20) La nature est désormais un très gros morceau et sa taille pose des problèmes nouveaux ; j’en parle plus bas. Trois types de vérités sont énoncés : scientifique, philosophique et religieuse (30), mais la première est rapidement escamotée. On peut éviter le biais positiviste (46) ou scientiste (88) – à savoir appliquer la méthode scientifique à tout, dénigrer les approches autres dans les cas où la première ne s’applique pas – , mais là où elle s’applique, les résultats incontournables des sciences exactes ne pourront être balayés d’un revers de main s’ils sont embarrassants pour la foi.

L’Église justifie ensuite son devoir d’indiquer ce qui,  dans un système philosophique, lui paraît comme incompatible avec la foi (50). Les philosophies étant des systèmes arbitraires soumis à une mode – de l’épicurisme au structuralisme, on a vu passer pas mal de choses depuis 2500 ans - , pourquoi pas ? S’agissant de résultats scientifiques démontrés et re-démontrables à souhait par l’expérience, cette attitude sera contre-productive. La parole de Dieu se présente à la fois dans les textes sacrés et dans la tradition dit l’auteur (55), donc encore du texte. La science est également du texte – de l’écrit au sens large - , mais ce dernier permet à un collectif quelconque doté des moyens intellectuels et matériels adéquats de s’en emparer et de remonter à un fait vérifiable, par exemple pointer l’exoplanète Bidule de coordonnées x,y, semblable à la terre et dotée de la vie (enfin, pas encore …). En cas de contradiction sur une idée précise, texte contre texte, l’un conduit manifestement à plus de certitude que l’autre.

Cet ouvrage exposant le ‘côté foi’ satisfera peut-être les croyants mais il n’apporte pas de réponses aux interrogations ponctuelles des scientifiques purs et durs si grande que soit leur bonne volonté.

Rédigé pour Amazon sous le titre 'Le laborieux dialogue entre science et religion' 

***


Le cas de la théorie de l’évolution est emblématique. Si on accepte l’idée que le texte de la Genèse est symbolique et non historique, alors le scientifique croyant doit imaginer en parallèle à ce dernier un narratif alternatif pseudo-scientifique, fictif, expliquant le rôle de ces symboles dans un cadre (pré)historique. Dans un premier temps, ceci n’aurait même pas à être prouvé, mais simplement à fournir une explication plausible de la fondation du mythe faute de mieux, afin de réduire le hiatus entre un dogme et une hypothèse rationnelle.

Autre question. La taille de l’univers visible est ahurissante. Si, pour fixer les idées concernant sa dimension, on en réduit l’échelle de façon à lui donner la taille de notre système solaire, alors ce dernier se réduit à la taille d’un atome d’hydrogène, notre terre à celle de son électron associé et nous-même ne sommes guère plus que rien du tout. Voilà les rapports entre les ordres de grandeur. Les rédacteurs de la Genèse qui ne savaient même pas ce qu’était une étoile ne pouvaient avoir la moindre idée de tout ceci.
Que le Dieu créateur ne puisse être constitué de matière ordinaire, l’une de ses caractéristiques a nécessairement quelque chose à voir avec la taille de ce qu’il a créé, aussi est-il clair que son dialogue personnalisé pour ne pas dire intime  avec chaque être humain est problématique pour ne pas dire improbable. S'il existe, ce dialogue ne peut passer par les canaux énergétiques naturels connus, il passe donc par des voies dont la science n’a rien à dire et dont il est impossible de se forger une image ayant la moindre assise réelle. Croyons donc mais n’en soyons pas dupes :  la raison ne peut aller jusque là sans se perdre.

Enfin, l’après mort ou l’avant naissance, lieu immatériel de l’âme libérée de son attache corporelle, est hors du temps ce qui fait du purgatoire une antichambre d’existence douteuse par principe. Il nous est impossible de concevoir un lieu hors du temps. A moins d’imaginer les mondes de matérialité intermédiaire (chers aux théories New Age) permettant des constructions diverses dont la seule qualité requise soit une certaine cohérence logique avec le reste, il est impossible de se construire des schémas rationnels de ces choses. Ce sont donc des domaines appartenant uniquement à la foi d’où la raison est parfaitement exclue car elle ne peut rien en dire d’intuitif.

La science est jeune quand on mesure son âge à l’aulne de celui de l’humanité. Si celle-ci ne se suicide pas d’ici là par bêtise, alors sa vision scientifique du monde sera bien plus éloignée de la nôtre dans mille ans, que l’actuelle de celle des pharaons. Le Dieu créateur ‘du ciel et de la terre’ pourra y gagner ou y perdre en vraisemblance selon le cas sans qu’on puisse prévoir aujourd’hui comment les choses vont tourner. Cette idée permet de ranger provisoirement la foi dans le compartiment ‘hors du connu rationnel’, mais il faut reconnaître que ce choix n’est guère satisfaisant intellectuellement parlant.


D'autres miscellanées ...

LGBT+ : Vidéo (18m10s) de Tatania Ventose sur le sujet du/de la trans espagnol de 8 ans. https://youtu.be/Wl-rKca72c8 Je plussois. Documents présentés (1), (2), (3).

facho-LGBTisme. Canada : 'Misgendering kids and preventing transitioning can constitute child abuse, B.C. Supreme Court rules' by Tessa Vikander, Vancouver (The Star) (ne pas considérer le genre des enfants et les empêcher de transitionner peut constituer un outrage selon la loi de la cour suprême).

Dictature : Ça y est, tous nos déplacement seront désormais pistés. Arrêté du 16 décembre 2019. SNDV . Pour lutter soit-disant contre le terrorisme. Quel progrès !

Dictature : la Chine est une dictature depuis Mao. En devenant une société high-tech, elle est devenue une dictature high-tech. Les persécutions contre les chrétiens sont un bon marqueur de cet état de chose : https://www.zerohedge.com/geopolitical/china-just-escalated-their-brutal-persecution-christians-entirely-new-level (art. : la Chine vient d'augmenter sa persécution brutale des chrétiens à un niveau entièrement nouveau).

Climat. A new reconstruction of temperature variability in the extra-tropical northern hemisphere in the last two millenia by LC Ljungqvist, Department of History, Stockholm University, Sweden. Geogr. Ann., 92 A (3): 339–351. 2010. https://agbjarn.blog.is/users/fa/agbjarn/files/ljungquist-temp-reconstruction-2000-years.pdf 



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