Quelle est la référence textuelle exacte des versets les plus violemment anti-chrétiens formulés contre le Christ et la Vierge dans le Talmud ?
Contexte historique et savant
Le Talmud, compilé entre le IIIe et le Ve siècle de notre ère, contient des passages qui, selon de nombreux chercheurs (comme Peter Schäfer dans Jesus in the Talmud, 2007), constituent des contre-récits polémiques parodiant les Évangiles chrétiens. Ces textes, rédigés dans un contexte de rivalité entre judaïsme rabbinique et christianisme naissant, visent à affirmer la supériorité du judaïsme en présentant Jésus (appelé "Yeshu" ou "Yeshu ha-Notzri", le Nazaréen) comme un sorcier, un séducteur d'Israël et un hérétique exécuté justement. Sa mère, Marie (appelée "Miriam"), est dépeinte comme adultère, souvent liée à un amant nommé Pandera (un jeu de mots sur le grec parthenos, "vierge", pour moquer la virginité).Ces passages sont rares (une vingtaine d'allusions indirectes), tardifs (période amoréenne, postérieure à la vie de Jésus), et non historiques : ils ne fournissent pas de données fiables sur Jésus, mais reflètent des débats théologiques. De nombreux manuscrits ont été censurés par l'Église (dès 521, intensifié au XIIIe siècle sous Grégoire IX), avec des effacements ou omissions (ex. : édition de Vilna). Les versions restaurées (ex. : manuscrits de Munich 95, Florence II.1.8-9) proviennent d'éditions critiques comme la Soncino (1935).Les débats savants sont vifs :
Maximalistes (Schäfer, Herford) : Ces textes visent explicitement Jésus et Marie, comme parodie des récits chrétiens.
Minimalistes (Maier, Lauterbach) : Ils concernent d'autres figures homonymes ("Yeshu" était courant) ou sont légendaires, sans lien direct.
Consensus : Ils illustrent l'hostilité mutuelle des débuts du christianisme, mais ne représentent pas l'ensemble du judaïsme (le Talmud est un corpus dialectique, pas dogmatique).
Les passages les plus "violemment anti-chrétiens" sont ceux qui accusent Marie d'adultère et Jésus de damnation éternelle. Voici les références exactes, avec citations traduites de l'araméen/hébreu (basées sur éditions non censurées ; trad. adaptées de Schäfer et Soncino pour clarté).
Références principales contre Jésus (Yeshu)
Ces textes le dépeignent comme un magicien séducteur, exécuté pour idolâtrie, et puni en enfer.
Tracté et folio |
Contexte et citation exacte |
Interprétation polémique |
|---|---|---|
Sanhedrin 43a-b (Talmud de Babylone) |
Procès et exécution de Yeshu pour sorcellerie et séduction d'Israël. Un héraut proclame 40 jours sa culpabilité ; il est lapidé et pendu la veille de Pâque (parodie de la Passion). Citation : « La veille de Pâque, on pendit Yeshu ha-Notzri. Un héraut alla devant lui quarante jours en proclamant : "Yeshu ha-Notzri va être lapidé car il a pratiqué la sorcellerie, incité et séduit Israël à l'idolâtrie. Qui sait quelque chose en sa faveur, qu'il vienne le dire." Mais on ne trouva rien en sa faveur, et on le pendit la veille de Pâque. Ulla dit : "Pensez-vous que Yeshu ha-Notzri méritait une défense ? C'était un mesit [séducteur]..." » (Uncensuré dans ms. Munich 95 ; censuré dans Vilna.) |
Parodie des Évangiles : inverse la culpabilité juive en justifiant l'exécution rabbinique (non romaine). Schäfer : "Réponse littéraire aux récits chrétiens de la crucifixion." |
Gittin 57a (Talmud de Babylone) |
Onkelos évoque l'esprit de Yeshu, qui décrit sa punition en enfer : bouillir dans les excréments pour avoir moqué les sages. Citation : « Quel est le châtiment de cet homme [Yeshu] dans l'autre monde ? Il répondit : "Bouillir dans les excréments." Car le Maître a dit : "Quiconque se moque des paroles des Sages est condamné à bouillir dans les excréments." » (Uncensuré dans ms. Oxford 23 ; "le Nazaréen" omis dans certains.) |
Damnation éternelle subvertit la résurrection chrétienne : Jésus n'est pas divin, mais puni pour hérésie. Herford : "Pôlemique post-70 CE contre le christianisme." |
Sanhedrin 107b / Sotah 47a (parallels) |
Yeshu, disciple rebelle de Joshua ben Perachiah, adore une brique (idolâtrie) après un malentendu sexuel ; il pratique la magie. Citation (Sanhedrin 107b) : « Le Maître dit : Yeshu ha-Notzri a pratiqué la magie, séduit et égaré Israël. » |
Parodie du ministère : miracles = magie égyptienne. Chronologie erronée (IIe s. av. J.-C.) indique une légende anti-messianique. |
Références principales contre la Vierge (Miriam)
Les plus violentes accusent Marie d'adultère avec Pandera (soldat romain ?), faisant de Jésus un bâtard ("ben Stada" = "fils adultérin").
Tracté et folio |
Contexte et citation exacte |
Interprétation polémique |
|---|---|---|
Shabbat 104b / Sanhedrin 67a (parallels) |
Débat sur l'origine de "ben Stada" (Jésus) : fils de Pandera (amant), non de son mari ; Miriam est une coiffeuse adultère ("sotah"). Citation (Shabbat 104b) : « "Yeshu ben Stada est-il Yeshu ben Pandera ?" Rav Hisda dit : "Le mari était Stada, l'amant Pandera." Mais le mari n'était-il pas Pappos ben Yehuda, et la mère Stada ? Non, sa mère était Miriam, la coiffeuse [megaddela neshaya], appelée Stada. Pumbedita dit d'elle : "Elle a trompé [satat da] son mari." » (Uncensuré dans ms. Herzog 1, Karlsruhe 2 ; Vilna censure en "pécheurs d'Israël".) |
Moquerie de la Vierge : naissance illégitime nie la divinité. Schäfer : "Pandera = parthenos moqué ; parodie de la Nativité." Maier conteste le lien avec Marie. Cité par Nicolas Donin (Disputation de Paris, 1240) comme blasphème. |
Sanhedrin 106a |
Miriam, descendante de princes, prostituée avec des charpentiers (référence à Joseph ?). Citation : « Elle qui descendait des princes et des gouverneurs a joué la prostituée avec des charpentiers. » (Uncensuré dans ms. Munich 95 ; lié à Balaam comme code pour Jésus.) |
Accusation directe d'immoralité ; renforce l'illégitimité. Klausner (1922) : "Anti-chrétien, mais non historique." |
Remarques finales
Sources pour lecture : Consultez des éditions critiques comme The Babylonian Talmud (Soncino, 1935) ou Jesus in the Talmud (Schäfer) pour textes originaux. Sites comme Sefaria.org offrent des versions numérisées (avec notes sur la censure).
Impact historique : Ces passages ont alimenté des persécutions (brûlements du Talmud en 1242, 1553), mais les Juifs les défendaient comme non-référant à "notre" Jésus (ex. : Yehiel de Paris, 1240).
Perspective équilibrée : Bien que violents, ils sont mineurs dans le Talmud (milliers de pages). Le judaïsme moderne les contextualise comme polémique antique, non normative. Pour une vue juive : Jews for Judaism argue qu'ils visent d'autres "Yeshu".
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